MONSIEUR,
Quelqu'un se plaint, dans une de vos feuilles, que, sous prétexte de vacances, on lui a refusé l'entrée de la Bibliothèque du Roi. Je vois ce que c'est, on l'a pris pour un de ces curieux, comme il en vient là fréquemment, qui ne veulent que voir des livres, et gênent les gens studieux. Ceux-ci n'ont point à craindre un semblable refus, et la Bibliothèque pour eux ne vaque jamais. Aux autres on assigne certains jours, certaines heures, ordre fort sage ; votre ami, pour peu qu'il y veuille réfléchir lui-même en conviendra. S'il m'en croit, qu'il retourne à la Bibliothèque, et, parlant à quelqu'un de ceux qui en ont le soin, qu'il se fasse connaître pour être de ces hommes auxquels il faut, avec des livres, silence, repos, liberté ; je suis trompé, s'il ne trouve des gens aussi prompts à le satisfaire que capable de l'aider et de le diriger dans toutes sortes de recherches. J'en ai fait l'expérience ; d'autres la font chaque jour à leur très grand profit. Après cela, s'il a voyagé, s'il a vu en Allemagne les livres enchaînés, en Italie purgés, c'est-à-dire biffés, raturés, mutilés, par la cagoterie, enfermés le plus souvent ne se communiquer que sur une ordre d'en haut, il cessera de se plaindre de nos bibliothèques, de celle-là surtout ; enfin il avouera, s'il est de bonne foi, que cet établissement n'a point de pareil au monde, pour les facilités qu'y trouvent ceux qui vraiment veulent étudier.
Quant au factionnaire suisse qu'il a vu à la porte, ce n'étaient pas sans doute les administrateurs qui l'avaient placé là. Rarement les savants posent des sentinelles, si ce n'est dans les guerres de l'Ecole de droit. Je ne connais point messieurs de la Bibliothèque assez pour pouvoir vous rien dire de leurs sentiments; mais je les crois Français, et je me persuade que, s'il dépendait d'eux, on ferait venir d'Amiens des gens pour être suisses (9) puisque enfin il en faut dans la garde du roi.