Chapitre II |
Marat, l'Ami du Peuple |
Chapitre IV |
SOMMAIRE. - Nécessité de redites fatigantes pour la réfutation des calomnies. - Déclaration de Marat sur ses ouvrages scientifiques. - Mémoire sur le feu,l'électricité et la lumière. - Jugement des commissaires de l'Académie des sciences. - Recherches sur le feu. - L'Académie se refuse à examiner cet ouvrage. - Pourquoi. - Conséquences de ces refus. - Découvertes sur la lumière. - Curieux considérants de l'Académie. - Recherches sur l'électricité. - Appréciation de Franklin, par Marat. - Notions élémentaires d'optique. - Lettres de l'observatoire Bon Sens sur l'aérostation. - Traduction de l'optique de Newton. - Mémoires académiques. - Conspiration du silence. - Les dieux de M. Michelet. - Critiques : Beaulieu, Georges Duval, Jacob, Journal de Littérature, Lalande. - Opinion de Marat sur les académiciens. - Maladresse des critiques. - Les Charlatans modernes. Calomnies de M. Michelet.
Avant de commencer ce chapitre, nous prions le lecteur de nous pardonner s'il y rencontre quelques redites : elles tiennent essentiellement à la nature de notre travail. Il est si facile de tuer un homme avec un mot, surtout quand il n'est plus là pour se défendre lui-même, surtout quand l'agresseur a du talent, peu de conscience, de l'esprit, du renom ! Mais il est si difficile de rétablir la vérité ; il faut tant de pièces à l'appui, il faut produire tant de témoignages fastidieux ! Quand la calomnie lance de loin un de ses traits, elle compte bien sur la difficulté de le ressaisir pour l'en percer elle-même ; c'est le secret de son courage apparent. Nous aurions renoncé à une entreprise au-dessus de nos forces, si nous n'esperions rencontrer parmi nos lecteurs de ces natures droites, de ces nobles âmes, de ces intelligences d'élite, qui savent sacrifier les séductions de l'esprit au devoir d'honneur d'être juste avant tout. [35]
On sait avec quel enthousiasme, vers le milieu du XVIIIe siècle, la France s'était jetée dans les recherches scientifiques les plus ardues : l'Encyclopédie s'élaborait. C'était une fureur, c'était la mode, dès lors aussi le seul moyen d'arriver à la renommée. Marat, toujours ambitieux de renom, dut être entraîne par le courant. Tout d'ailleurs l'y poussait : son tempérament, son infatigable activité d'esprit, sa prodigieuse mémoire et son aptitude à tout comprendre. Citons d'abord sa propre déclaration.
« J'ai passé vingt-cinq ans dans la retraite, à la lecture des meilleurs ouvrages de science et de littérature, à l'étude de la nature, à des recherches profondes, et dans la méditation. Je crois avoir épuisé à peu près toutes les combinaisons de l'esprit humain sur la morale, la philosophie et la politique, pour en recueillir les meilleurs résultats. J'ai huit volumes de recherches métaphysiques, anatomiques et physiologiques sur l'homme. J'en ai vingt de découvertes sur les différentes branches de la physique ; plusieurs sont publiés depuis longtemps, les autres sont dans mes cartons. J'ai porté dans mon cabinet le désir sincère d'être utile à l'humanité, un saint respect pour la vérité, le sentiment des bornes de l'humaine sagesse, et ma passion dominante de l'amour de la gloire ; c'est elle seule qui a décide du choix des matières que j'ai traitées, et qui m'a fait constamment rejeter tout sujet sur lequel je ne pouvais pas me promettre d'être original, d'arriver au vrai, à de grands résultats ; car je ne puis me résoudre à remanier un sujet bien traité, ni à ressasser les ouvrages des autres.
« J'oserais me flatter de n'avoir pas manqué mon but, à en juger par l'indigne persécution que n'a cesse de me faire, pendant dix ans, l'Académie des sciences, lorsqu'elle se fut assurée que mes découvertes sur la lumière renversaient ses travaux depuis un siècle, et que je me souciais fort peu d'entrer dans son sein. Comme les d'Alembert, les Caritat, les Leroy, les Meunier, les Lalande, les La Place, les Cousin, les Lavoisier, [36] et les charlatans de ce corps scientifique voulaient être seuls sur le chandelier, et tenaient dans leurs mains les trompettes de la renommée, croira-t-on qu'ils étaient parvenus à déprécier mes découvertes dans l'Europe entière, à soulever contre moi toutes les sociétés savantes, à me fermer tous les journaux, au point de n'y pouvoir même faire annoncer le titre de mes ouvrages, d'être forcé de me cacher, et d'avoir un prête-nom pour leur faire approuver quelques-unes de mes productions ? » (Journal de la République, N° 98.)
Ailleurs il allègue d'autres raisons encore, pour lesquelles il croit avoir été mal accueilli dans le monde des savants : « Mon ardeur et mon assiduité ont toujours été couronnées d'assez brillants succès ; il n'en fallait pas davantage pour éveiller l'envie. Je sais qu'on la désarme avec adresse en affichant une fausse modestie et en adulant les envieux. La feinte et la ruse ne sont pas dans mon caractère ; je dédaigne ces moyens honteux, et, sans m'embarrasser des suites, je m'élevai avec force contre les charlatans ; ce qui ne fit que les aigrir davantage contre moi et multiplier le nombre de mes ennemis. » (Le Publiciste, N° 147.)
Cette déclaration est explicite ; mais voyons si Marat ne s'exagère pas sa valeur, ou si, à notre insu, nous ne resterions pas prévenu contre lui par l'effet seul de sa franchise présomptueuse. Citons tous ses ouvrages connus, analysons-les en quelques mots, disons quel a été le sort de chacun d'eux, pesons enfin les critiques et les éloges qu'on en a faits ; mettons surtout le lecteur compétent en état de les consulter, de décider par lui-même, en donnant des ouvrages de Marat la bibliographie exacte : ce procede plaidera provisoirement en faveur de notre impartialité.
Marat avait adressé à l'Academie des sciences un mémoire qu'il fit imprimer en 1779, sous ce titre : « Découvertes de M. Marat sur le feu, l'électricité et la lumière », in-8° de 38 pages. Paris, imprimerie de Clousier.
Le livre commence par un rapport de l'illustre assemblée [37] en date du 17 avril 1779, attestation irrécusable de l'importance qu'elle donne à l'ouvrage. Procéder ainsi, c'était bien connaître le public qui ne se prononce jamais que sur la foi d'autrui. On y lit que la commission, composée de MM. le comte de Maillebois, de Montigny, Le Roy et Sage, quatre personnages d'une compétence incontestable, puisqu'ils faisaient partie de l'Académie, se résuma en ces termes : « La saine physique ne marchant qu'à l'aide de l'expérience, tous les mémoires, tous les traités ne doivent être qu'un composé d'expériences bien faites et bien constatées, servant de base aux vérités qu'on se propose d'établir : telle est la marche que l'auteur a suivie. »
Ainsi voilà Marat déclare par l'Académie chercheur consciencieux et sérieux, puisqu'il ne s'appuie que sur des expériences bien faites et bien constatées.
« Son mémoire en renferme plus de cent vingt, qui, toutes, ou au moins la plus grande partie, ont été faites par un moyen nouveau, ingénieux, et qui ouvre un grand champ à de nouvelles recherches dans la physique ; ce moyen c'est le microscope solaire. »
Niera-t-on que le savant ait fait au moins une découverte quand des hommes spéciaux rassurent ?
Suit l'explication du moyen d'appliquer ce microscope, puis la description du phénomène que Marat venait de constater. Et qui l'affirme ? Ce ne sont pas seulement les quatre académiciens, mais le plus grand physicien de l'époque. Citons : « M. Franklin, qui a assisté avec nous à plusieurs de ces expériences, ayant présenté sa tête, sa main à ces rayons, on en vit s'élever sur la toile des émanations on ne peut plus apparentes. »
Retenons bien ce que dit à ce propos M. Michelet : « Franklin, invité à voir ses expériences, admira la dexterité de Marat.» (Histoire de la Révolution française, t. II, p. 392.) Que pense-t-on du mot dextérité ? comme cela fait habilement pressentir l'escamoteur, le charlatan ! Quelle perfidie ! [38]
Mais que voulait prouver le savant au moyen de son ingénieux appareil ? « Il entreprend de prouver que toutes ces émanations, rendues sensibles par le microscope solaire, sont l'effet d'un fluide qui sort et qui s'eleve des corps échauffes, et que ce fluide est le fluide igné. »
Quel jugement sommaire rendit la commission ? « Nous concluons que, sans prononcer décidément sur ce que l'auteur entreprend d'établir dans son mémoire sur le fluide igné, nous regardons ce mémoire comme fort intéressant par son objet, et comme contenant une suite d'expériences nouvelles, exactes, et fait par un moyen egalemeut ingénieux et propre à ouvrir un vaste champ aux recherches des physiciens, non-seulement sur les émanations des corps échauffes, mais encore sur les evaporations des fluides. »
En voilà plus qu'il n'en faut, non pas pour accorder à Marat un brevet de génie, le titre pompeux d'un des plus grands savants de l'époque, mais au moins la qualification d'experimentateur actif, consciencieux et quelquefois heureux dans ses découvertes.
Mais Marat n'était pas homme à se contenter de cette déclaration provisoire, il en appela à tous les savants, et c'est à cet effet qu'il fit imprimer le mémoire. Dans son livre, il recommence en public, pour ainsi dire, les expériences auxquelles il avait procédé devant MM. les commissaires. Tous les physiciens peuvent le suivre, le juger. Presque tous l'ont juge ; combien l'ont suivi ?
Le savant y résume ainsi sa découverte : « Il en est aujourd'hui, ce me semble, de la doctrine du feu comme de celle des couleurs avant Newton. On le prend pour matière, il n'est qu'une modification d'un fluide particulier que je désigne sons le nom de fluide igné. »
Sera-ce trop exiger de la posterité que de lui dire : ne prononcez qu'apres vérification ? Et si, ce que j'ignore complétement à ma honte et à mon grand regret, le progrès nécessaire des sciences physiques a fourni sur cet objet des [39] données nouvelles, contradictoires et plus exactement vérifiées, ne soyons pas moins reconnaissants des efforts de nos devanciers : à la conquête de la vérité, comme à l'assaut des bastilles, les morts servent pendant le combat de degrés à la victoire.
Dans le compte rendu des commissaires on lisait encore : « Nous avons appris que l'auteur désirait particulièrement que l'assemblée tout entière se prononçât sur la vérité et l'exactitude de ses expériences. » L'Académie ne jugea pas à propos de se rendre à l'invitation loyale de Marat, aux pressantes sollicitations de ses examinateurs.
Celui-ci ne se rebuta pas. Son premier mémoire contenait trois objets d'observation : le feu, l'électricité et la lumière ; l'auteur résolut de les examiner chacun séparément, et d'en faire le sujet de trois études spéciales. Il prépara donc un nouveau manuscrit qu'il présenta encore à l'illustre assemblée ; le mémoire fut renvoyé pour la forme à une commission ; les examinateurs Le Roy et Cousin ajournèrent indéfiniment le rapport, et, pousses à bout, refusèrent de se prononcer.
Il est évident qu'il y avait parti pris, mot d'ordre. Comment ce qui avait été jugé digne d'attention dans le premier mémoire ne l'était-il plus dans le second ? Le refus de raisons donne droit aux conjectures : ce n'est pas tant le savoir qui ouvre l'entrée des académies que le savoir-faire. En général, toutes les portes des corps constitués sont basses, on n'y entre qu'en se courbant. Marat, irrité du premier refus de la Société de se prononcer, ne ménagea pas l'expression de son mécontentement ; il avait le caractère hautain, la conscience de sa valeur exagérée par la négation, l'épine dorsale inflexible ; il ne put, ni ne voulut se baisser ; comment aurait-il été admis à l'examen ? Il est juste de dire qu'il avait attendu patiemment huit mois, au bout desquels il résolut d'en appeler une seconde fois au public. En conséquence, en janvier 1780, il fit paraître un volume de deux cents pages, intitulé : Recherches sur le feu, in-8°. Paris, chez Ant. Jombert. [40]
Cette fois il ne s'adressait plus aux savants seulement, à des hommes qui comprennent à demi-mot, mais à tout le monde ; il mettait, à cet effet, ses explications à la portée de toutes les intelligences. Les recherches sur le feu ne sont donc que le développement du mémoire intitulé découvertes ; il ne faut pas dès lors s'étonner d'y retrouver des pages entières textuellement reproduites. L'auteur commence par un examen des opinions de ses devanciers sur la nature du feu, qu'ils regardaient comme un element ; et, venant à son propre système, il nous explique la nature de ce qu'il appelle, lui, le fluide igné. Il le considère d'une manière absolue, puis d'une manière relative. Passant à l'étude de la chaleur produite par le soleil, il nous apprend en quelle quantité le fluide igné est répandu dans l'univers ; il nous démontre sa force expansive, sa sphère d'activité, la manière dont il agit, par quels états il fait passer les corps avant de les résoudre. Il est naturellement amèné par son sujet à nous parler de la raréfaction de l'air, de la dilatation des solides et des liquides, de la fusion, de l'evaporation, de l'explosion, de tous les phénomènes enfin auxquels donne lieu l'action du fluide igné. Le dernier chapitre se compose de remarques essentielles sur sa méthode d'observer dans la chambre obscure. En somme, le livre contenait cent soixante-six expériences et sept planches gravées.
Qu'avons-nous à ajouter pour donner une idée de la valeur de ce nouvel ouvrage ? Rien, puisqu'il a déjà été apprécié, quant au fond, par des savants patentés. Nous affirmerons seulement que Marat y fait preuve encore d'un rare talent de vulgarisateur ; et de cela nous sommes juge, puisque, sous le rapport scientifique, nous faisons incontestablement partie du vulgaire des lecteurs.
Mais quelles tristes réflexions ne suggèrent pas tant d'efforts, et si souvent inutiles, de certains hommes pour arriver à se faire entendre ! Que de vérités perdues par la mauvaise volonté des uns, les basses passions des autres, l'indifférence du plus grand nombre ! Qui sait au prix de quels sacrifices [41] l'auteur des Recherches sur le feu put, à grands frais, arriver à consigner en un volume une découverte qu'il croyait utile à tous, et qui devait commencer par le ruiner ? Encore faut-il se hâter d'ajouter que, pouvant faire ce sacrifice, il était au nombre des élus ; que d'autres, plus nombreux, meurent tous les jours du désespoir de ne pouvoir doter de la vérité qu'ils tiennent dans la main le monde qui les dédaigne, qui les méprise, qui les tue ! Je sais tout ce qu'on peut objecter ; que partout pénètrent les abus ; je sais que les hommes sont hommes ; eh bien ! s'ils sont hommes, pourquoi s'étonner que ce soient justement les blessés qui aient des cris de douleur dans l'agonie, de la colère contre le mépris, des reproches amers à l'ingratitude ? Pourquoi donc exiger plus de vertus de ceux qui sont, par l'affreuse position que vous leur avez faite, exposés à de plus irrésistibles tentations ? Pourquoi s'étonner si Marat, dans une brochure que nous analyserons bientôt, dépasse les limites d'une critique rigoureuse et impartiale, quand il appréciera des hommes qui n'avaient pas été justes envers lui ?
Quelques mois après les Recherches sur le feu, parut un nouveau volume portant pour titre: Découvertes de M. Marat sur la lumière, constatées par une suite d'expériences nouvelles, in-8° de 141 pages. Londres-Paris, chez Jombert, 1780. C'était le second sujet d'étude annoncé dans le premier mémoire.
Nouvelle présentation à l'examen de l'Académie des sciences. Cette fois les commissaires font un rapport, mais peu favorable. En voici la teneur : « Selon M. Marat, la décomposition de la lumière dans son inflexion, et celle qu'on observe dans son passage par différents milieux, sont la suite d'un même effet. Mais nous n'avons pu vérifier avec l'exactitude nécessaire toutes les expériences qui sont en très-grand nombre ; d'ailleurs elles ne nous paraissent pas prouver ce que l'auteur imagine, et elles sont contraires en général à ce [42] qu'il y a de plus connu dans l'optique. En conséquence, nous ne croyons pas que l'Académie y puisse donner sa sanction et son attache. » Que pensez-vous des considérants et surtout de la conclusion ? « Attendu que M. Marat dit le contraire de ce que nous avons reconnu vrai jusqu'ici, nous qui ne pouvons pas nous tromper, l'Académie n'examinera pas le mémoire, et, par le fait, condamne l'auteur à passer pour un sot, ou tout au moins pour un ignare aux yeux du public qui ne croit qu'en l'Académie. » O Molière ! où es-tu ?
En vérité, nous félicitons l'auteur d'en avoir appelé à la postérité d'une logique aussi convaincante. Que n'est-ce ici le lieu de déduire tous les enseignements précieux qu'on peut tirer d'un tel jugement à propos de la prétendue indispensabilité des académies ! Mais plutôt imitons la mansuétude de Marat, « qui ne veut faire aucun commentaire sur l'acte académique. »
N'insistons pas davantage sur cet ouvrage qui se confond avec un autre dont nous aurons bientôt lieu de parler, et que l'auteur fit paraître huit ans plus tard, c'est-à-dire quand il se sera assuré, par huit années d'études nouvelles, que son système reposait sur des preuves incontestables.
Voici venir, avec tous les développements dont Marat le croyait susceptible, le troisième sujet du mémoire de 1779 ; le livre porte pour titre : Recherches sur l'électricté, par M. Marat, in-8° de 461 pages, 1782. Paris, chez Clousier ; édition faite encore à ses frais. C'est, en vérité, une passion qui doit être encouragée que cet amour de la gloire, qui impose à l'individu tant de sacrifices, tous au profit de la société.
L'ouvrage commence par un discours préliminaire dans lequel l'auteur esquisse l'histoire de la physique jusqu'aux temps modernes. Les détails qu'il y donne des principales expériences de ses devanciers, la déscription minutieuse des instruments qu'ils ont imaginés, des procédés dont ils ont [43] usé, des résultats qu'ils ont obtenus, prouvent que Marat a refait chacune de ces opérations, et qu'évidemment il ne les critique et ne les loue qu'avec connaissance de cause. Son activité sous ce rapport était telle qu'on a peine à y croire ; nous l'entendrons bientôt, à propos d'un autre livre, nous prévenir qu'il a fait cinq mille expériences ; on en a conclu qu'elles devaient être légères. N'est-ce pas plutôt que cette infatigable ardeur est un reproche indirect à notre paresse, à notre facilité à nous contenter des affirmations, plutôt que de nous donner la peine de les réviser ? Quant à ceux qui seraient tentés de suspecter la bonne foi des déclarations de Marat, ils n'auront plus de doute, quand ils verront plus tard l'Ami du peuple rédiger seul, pendant quatre ans, jour par jour, un Journal de huit, douze et seize pages in-8°. A ceux qui lui auraient conseillé de prendre quelque repos, il aurait sans doute répondu comme le fameux Arnaud : « N'avons-nous pas l'éternité pour nous reposer ? » C'était le même tempérament. Devant de tels exemples, mieux vaut s'humilier et se taire.
Dans cette esquisse des essais des physiciens avant lui, Marat fait une appréciation sur laquelle il est bon que le le coeur s'arrête : il est bien juste d'appliquer à nos jugements sur l'auteur les principes dont il s'est servi à l'égard des autres. Il s'agissait du fameux Du Fay. Marat commence par rendre justice au grand observateur qui s'appliqua le premier à généraliser les observations qui, jusqu'alors, n'avaient été que particulières, à rappeler les effets à leurs causes, c'est-à-dire à étudier le sujet en physicien. Puis il décrit une de ses expériences, il en démontre l'erreur et c'est alors que lui échappe cette profonde et généreuse réflexion : « Sans doute il est humiliant que l'esprit s'égare de la sorte, dès qu'il entreprend de raisonner, comme si l'homme devait se borner à être simple observateur ; mais le fruit de ses observations serait souvent perdu, s'il ne savait en conclure pour établir des principes et des lois. Rendons justice à notre académicien, et, puisque dans nos recherches l'erreur doit presque inévitablement précéder la vérité, on lui aura toujours l'obligation d'avoir porté le raisonnement dans une étude où l'on n'avait encore porté que des yeux. » Eh bien ! nous voulons admettre pour un moment que Marat aussi se soit trompe dans tout ce qu'il a dit. Appliquons-lui la loi du talion, et sachons encore quelque gré au chercheur infatigable, puisque, n'eût-il commis que des erreurs, il aurait encore été utile en un point.
C'est à propos de ce livre des Recherches physiques sur l'électricité, que M. Michelet a écrit : « Marat, peu satisfait de ce que Franklin n'avait pas jugé du fond même (du mémoire présenté à l'Académie en 1779), se mit immédiatement à travailler contre Franklin. » (Histoire de la Révolution française, tome II, page 392.)
Voyons donc en quels termes Marat parle du célèbre Américain dans un ouvrage destiné à combattre ses doctrines en électricité.
« Comment ne pas se rappeler tout ce que l'électricité doit au célèbre Franklin ? D'autres avant lui avaient porté le raisonnement dans certaines branches de cette science ; le premier, il la considéra sous de grands points de vue, il multiplia les faits, généralisa les résultats, éclaira les phénomènes, et lui donna quelques principes et quelques lois. » Puis le critique énumere les découvertes dont le grand physicien a enrichi le monde savant. Après ce préliminaire, on pouvait n'être pas de l'avis de Franklin, se tromper même en le combattant, mais on ne pouvait être accusé d'avoir méconnu ses services, de n'écrire contre lui que par amour-propre blessé. Il n'y avait que le véridique M. Michelet qui put tirer cette conclusion. On lira encore, au n° 134 de l'Ami du Peuple, comment Marat s'associe à l'éloge que Mirabeau vient de prononcer au moment de la mort de Franklin, « ce sage qui honora l'humanité, qui vengea les droits de l'homme... » Soyons plus impartial que l'éminent professeur du Collège de France, et rappelons que les trois ouvrages que nous venons [45] de citer furent traduits en allemand par Weigel, à Leipzig, 1782-1784 ; ce qui prouve au moins qu'ils n'étaient pas sans quelque valeur.
Il faut bien croire que, malgré le parti pris de l'Académie, la réputation de Marat comme physicien s'était quelque peu répandue, puisque ses Découvertes sur la lumière comptaient deux éditions déjà epuisées, et que des amateurs lui demandaient de leur faire un cours d'optique. Barbaroux écrira plus tard: « J'avais fait un cours d'optique sous Marat. » (Mémoires, page 57.) Mais pour avoir droit d'ouvrir un cours public, il fallait alors l'autorisation du gouvernement, qui n'aurait pas manqué d'en référer à l'Académie. On sait d'avance quelle aurait été la décision des illustres. C'est alors que Marat, pour répondre aux sollicitations qui lui étaient faites et n'avoir pas à tenter une démarche sans résultat, résolut de tracer un précis de ses théories. Il en fit un bon nombre de copies manuscrites qu'il adressa aux amateurs.
Cet expédient nous révèle la position de fortune, au moins momontanée, que les précédents sacrifices lui avaient faite. Mais nous avons tout lieu de croire que cette gène ne finit pas de longue durée, car de nouvelles publications l'attesteront. Et puis n'oublions pas que Marat s'était fait professeur de physique ; qu'en outre, nous le démontrerons bientôt, il occupait la place de médecin des gardes du corps.
Heureusement qu'il se trouvait dans le public des lecteurs qui ne croyaient pas à l'infaillibilité des jugements académiques ; bientôt le manuscrit put être imprimé, et l'auteur disait dans sa préface : « Si cette légère esquisse a les honneurs de l'impression, elle les doit à un amateur distingué, dont le zèle éclairé pour la propagation des connaissances utiles est connu. »
Ce nouvel écrit portait pour titre : Notions élémentaires d'optique. Paris, chez Didot, 1784, in-8° de 44 pages, précédé d'un avis au lecteur et suivi de trois pages [46] d'observations essentielles qui décrivent l'appareil des instruments nécessaires pour opérer. N'avez-vous pas remarqué comme Marat prend toujours à tâche de mettre le public en état de le contrôler lui-même dans les expériences qu'il annonce ? Ce n'est pas le procédé ordinaire des charlatans.
Dans cet opuscule, l'auteur prévenait qu'il travaillait à un traité complet de la science de l'optique. N'oublions pas les dates de l'apparition des ouvrages relatifs à la lumière ; elles témoignent de la persévérance consciencieuse du savant dans cette partie de la physique : en 1779, Mémoire sur la lumière ; en 1780, Découvertes sur la lumière ; en 1781, Notions élémentaires d'optique ; en 1787, Traduction de l'optique de Newton avec notes ; enfin, en 1788, quatre mémoires dans lesquels il cherche à prouver tout au long la vérité de son système, la nouveauté de ses découvertes. Et voilà ce qu'un oracle de la postérité, le consciencieux M. Michelet, appellera des expériences hâtées !
La brochure qui va suivre n'a pas grande importance ; nous n'en faisons le résumé que pour mémoire bibliographique.
Le 13 juin 1785, une effroyable catastrophe avait mis tout Paris en émoi ; deux aéronautes, Pilâtre de Rosier et Romain avaient annoncé qu'ils feraient une ascension à Boulogne-sur-Mer. Ce jour même, à sept heures et quelques minutes, ils s'élevaient dans les airs, aux yeux d'une immense population, au milieu des bravos. D'abord ils parurent faire bonne route ; mais, en continuant à monter, ils furent tour à tour entraînés par différents courants. Au bout de quinze à vingt minutes, ramenés sur les côtés de France, ils se trouvaient à une hauteur considérable, lorsqu'on vit paraître de la fumée. Les aeronautes semblaient occupés à baisser le réchaud ; peu après s'eleva au-dessus du ballon une colonne de flamme, qui fut aperçue par tous les spectateurs ; à l'instant, l'enveloppe du ballon parut se replier sur la montgolfière, et [47] l'appareil s'abattit avec une rapidité inconcevable. Les deux cadavres furent retrouvés à cinq kilomètres de Boulogne, près des bords de la mer.
Quelle avait été la cause de la chute ? Telle était la question que chacun se posait, que tout le monde prétendait résoudre. Le feu avait-il pris par la montgolfière, ou par expansion de l'air inflammable ?
Marat crut devoir éclairer l'opinion publique, et s'appliqua à démontrer que « le fatal accident n'avait pu être produit par le feu. » Six lettres étaient consacrées à cette démonstration. Cette brochure parut en 1785, elle était intitulée : Lettres de l'observateur Bon Sens à M. de ***, sur la fatale catastrophe des infortunés Pilâtre de Rosier et Romain, les aéronautes et l'aérostation. Brochure in-8° de 39 pages, avec cette épigraphe : Tractent fabrilia fabri, chacun son métier.
Deux ou trois de ces lettres traitant de la matière, nous ont semblé intéressantes ; nous n'en dirons pas autant des autres. L'auteur y raille les ballomanes et les ballofuges ; il décrit les espérances des uns et les appréhensions des autres. Il prend dans cette partie de sa brochure un ton de satire qui ne nous paraît pas remplir toutes les conditions du genre. Il lui arrivera quelquefois de se donner cette allure ; il sera toujours un peu lourd. Voltaire veut être profond, Marat veut être satirique ; personne ne se contente du don que lui a fait la nature, et tout le monde grimace, tous ont leur ridicule : Tractent fabrilia fabri, à chacun son genre : M. Michelet sera toujours le plus intéressant des conteurs, Tacite le modèle des historiens.
Cette science de l'optique, dont Marat venait de mettre les éléments à la portée de tout le monde, rappelle un des plus beaux titres de gloire de Newton, et un nouvel ouvrage de notre physicien. Voici ce que dit, à propos de ce nouveau livre, le critique que nous avons exclusivement cité jusqu'ici, parce qu'il s'est chargé de résumer, en une cinquantaine de [48] pages, tout ce qui a été dit de plus violent, de plus injuste, de plus calomnieux contre celui qui s'intitula plus tard l'Ami du peuple. Voici en quels termes s'exprime M. Michelet: « Marat revint tout entier aux sciences. Son génie belliqueux, qui n'avait pas réussi contre Voltaire et les philosophes, s'en prit à Newton. Il ne tenta pas moins que de renverser ce dieu de l'autel, se précipita dans une foule d'expériences hâtées, passionnées, légères, croyant détruire l'optique de Newton, qu'il ne comprenait même pas. » (Histoire de la Révolution française, tome II, page 392.)
Cherchons si, en effet, Marat ne comprit pas Newton ; jugeons-en, non par ce qu'il prétendra lui-même, ce serait trop naïf ; non par ce que nous en penserons, ce serait trop présomptueux ; mais par ce qu'affirmait à ce sujet l'Académie elle-même ; à M. Michelet académicien opposons un autre académicien, les parties seront égales.
Dans les premiers mois de 1787 parut un ouvrage en deux volumes in-8°, intitulé : Optique de Newton, traduction nouvelle, faite par M.... sur la dernière édition originale... dédiée an roi par M. Beauzée, éditeur de cet ouvrage, l'un des quarante de l'Académie française. Paris, chez Leroy. On a nié que cette traduction fût de Marat ; la note insérée par celui-ci en janvier 1793 au bas d'un des numéros de son Journal ne permet plus le moindre doute. « Je fus obligé de prendre un prête-nom pour signer mes ouvrages ; c'est ce que j'ai fait en 1785 à l'egard d'une traduction de l'optique de Newton. » (Journal de la République, N° 98.)
Faire approuver un de ses ouvrages par une assemblée hostile, au moyen de l'anonyme et sous le patronage d'un membre de cette société même, me parait un tour assez réjouissant: le mérite n'exclut pas l'habileté. Notez que l'entente entre l'académicien Beauzée et le réprouvé Marat était d'autant plus facile, que le premier était secrétaire interprète du comte d'Artois, et le second, médecin des gardes du corps de Monseigneur. Le secret est si bien gardé entre le [49] traducteur et l'éditeur, que dans son épitre dédicatoire à Sa Majesté celui-ci écrit textuellement : « L'auteur m'est inconnu. »
Mais voyons ce que Beauzée déclare dans sa préface : « Ce serait faire un présent précieux à ceux qui cultivent les sciences que de leur offrir une traduction fidèle et élegante... et celle que nous publions ne peut être que l'ouvrage d'un savant, également versé dans art d'écrire et familier avec les expériences de Newton. » Ce n'est pas moi qui affirme que Marat savait écrire et qu'il avait parfaitement compris Newton, monsieur Michelet ; c'est un des quarante : le débat reste entre vous et lui. Mais, direz-vous, j'ai affirmé sur la foi de mes amis, de gens compétents. Et de quel droit accuseriez-vous Beauzee de n'en avoir pas fait autant ?
L'éditeur s'exprime d'une manière plus explicite encore dans le résumé qui suit : « Aux avantages généraux attachés aux retranchements de redites superflues, à ces transpositions de passages déplaces, à ces éclaircissements, à ces additions de nouveaux articles, si on ajoute les avantages particuliers qui en découlent, tels qu'une connexion plus parfaite de toutes les parties de l'ouvrage, un plus beau développement de la doctrine de l'auteur, le tableau des progrès successifs de la science ; en un mot, si l'on fait attention que cette science, rendue plus claire, deviendra en même temps plus aisée à concevoir et à retenir : peut-être verra-t-on dans tout cela de quoi justifier la confiance avec laquelle nous osons présenter cette traduction au public. »
M. Michelet affirme que c'est la plume à la main qu'il instruit le procès de Marat (page 376) ; c'est donc la plume à la main aussi que nous devions répondre : de là nos nombreuses citations.
Mais voici plus : le 4 mai 1785, l'Académie des sciences confirmait les éloges du membre de l'Académie des belles-lettres, en donnant au traducteur son approbation après examen fait par MM. Bailly et Rochon, personnages qui s'y [50] connaissaient apparemment. Il faut reprendre votre plume, monsieur le juge d'instruction.
Nous arrivons enfin au dernier ouvrage connu de Marat considéré comme physicien. Les Mémoires académiques, ou nouvelles découvertes sur la lumière, relatives aux points les plus importants de l'optique, volume de 323 pages et 16 d'introduction, in-8° ; Paris, chez Méquignon, datent de 1788, un an après la traduction de Newton. L'épigraphe se rapporte sans doute à la lutte que Marat avait eu à soutenir : Elles surnageront malgré vent et marée. Il s'en faut bien que les attaques aient été loyales, qu'elles se soient engagées au grand jour ; la conspiration qui s'était formée contre Marat était de toutes la plus invincible : je veux parler de la conspiration du silence. Au moyen de ce procédé bénin en apparence, peu compromettant pour les conspirateurs, on vous étouffe un homme à tout jamais. A qui s'en prendre précisément ? A personne. Chacun se dégage si facilement de la responsabilité, qu'il reste prouvé que personne, en effet, n'est coupable. Qui donc s'impose le devoir de prendre l'initiative de la découverte des hommes utiles ? C'est une fonction que la société ne saurait comprendre dans son cahier des charges ; n'est-ce point assez déjà de récompenser ceux qui se sont fait connaître ? Et la postérité n'a gardé d'en rappeler ; n'a-t-elle pas son axiome tout prêt: On finit toujours par percer ? Cependant un homme meurt, dans un coin, de folie, de faim ou de désespoir de n'avoir pu produire ou se produire ; et le monde, qui se plaint de la lenteur des progrès de l'esprit humain, continue à vivre insouciant de ceux qui tombent en route.
Marat fort heureusement, d'autres diraient providentiellement, était une de ces natures qui, loin de céder sous la pression et de se laisser écraser, y puisent la force centuplée du ressort que l'on comprime. Porté par nature à s'exagerer sa propre valeur, plus la persécution s'acharnait contre lui, plus il se croyait supérieur à tous, plus il faisait d'efforts de travail et d'intelligence pour l'être réellement, plus il acquérait [51] de titres réels à revendiquer sa place au soleil. Écoutez ce qu'il dit dans une note de son Introduction : « Je sais que mes adversaires s'agitent plus que jamais pour me fermer les journaux. S'ils y parviennent, j'admirerai la force des considérations personnelles et la docilité des critiques. Au demeurant, qu'ils ne se flattent pas de lasser ma constance ; on n'est pas fait pour être l'apôtre de la vérité, quand on n'a pas le courage d'en être le martyr. » En vérité, si les etouffeurs de génie étaient plus intelligents, ils comprendraient que sous la pression le véritable orgueil s'exalte à sa plus haute puissance. L'exemple de Jean-Jacques ne leur avait pas suffi, il fallait qu'ils y joignissent celui de Marat : la vieille société sait ce qu'il lui en a coûté :
Je vous aurais chéris en frère ;
Vieux vagabond, je meurs votre ennemi.
« Les Nouvelles découvertes sur la lumière, dit Marat, ne tendent pas à moins qu'à faire changer de face l'optique. Pénétré de leur importance, et jaloux de les constater rigoureusement, j'en ai fait le sujet de plusieurs programmes, et je les ai consignées dans des mémoires particuliers. » Le volume, en effet, se compose de quatre parties.
Dans la première, Marat se demande si les expériences sur lesquelles Newton établit la différente réfrangibilité des rayons hétérogènes sont décisives ou illusoires. C'est donc un examen des principales expériences du maître. L'expérimentateur y oppose celles qu'il a imaginées ; c'est l'objet de la deuxième partie.
Dans la troisième, l'auteur attaque l'explication que Newton donne de l'arc-en-ciel ; il cherche à démontrer la fausseté du système de la différente réfrangibilité.
Dans la quatrième enfin, il veut prouver que les couleurs des corps minces et diaphanes ne viennent point de leur différente ténuité. [52]
Nous lisons dans une note du même ouvrage : « J'ai dans mon portefeuille d'autres mémoires qui font également suite à mes Découvertes sur la lumière, et que je publierai à la fin de l'année. » Mais nous sommes en 1788, on prévoit ce qui a du l'en empêcher ; les préoccupations politiques ne lui permirent plus de donner suite à ses publications scientifiques ; il mourut de mort violente, n'ayant pas eu le temps de mettre de l'ordre dans ses papiers ; la veuve n'en recueillit que ce qui échappa au pillage ; bref, les mémoires manuscrits furent à tout jamais perdus.
Mais revenons au livre des Découvertes : « C'est le fruit de trois années de recherches profondes, et de cinq mille expériences... Cet ouvrage, l'un des moins imparfaits qui soient sortis de ma plume, n'a presque rien de commun avec ceux qui ont paru jusqu'ici sur la lumière. »
Reste toujours le reproche adressé par M. Michelet de s'être permis d'attaquer Newton, d'avoir tente de renverser ce dieu de l'autel. Hélas ! où en serions-nous des progrès de l'esprit humain déjà si lents, s'il fallait admettre des dieux en matière de science aussi ? s'il était défendu de les regarder de trop près ? si l'on réputait sacrilège quiconque ose y toucher ? n'en avons-nous pas déjà tiré d'assez de fabriques ? O grand homme ! en conscience, que fut-il advenu du Marat historique, si j'avais admis en histoire aussi des dieux au rang desquels votre talent vous eût donné droit de monter avant tous vos rivaux ? Moi, qui ne crois pas aux dieux humains, je sais gré à Marat, dans l'hypothese même où il se serait trompé dans ses expériences et dans les principes nouveaux qu'il a cru devoir en tirer, je lui sais gré, dis-je, au nom de la perfectibilité, c'est-à-dire au nom de l'incessante et libre critique des devanciers par leurs successeurs, je lui sais gré de n'avoir pas accepté les yeux fermés les lois découvertes par l'immortel Newton. Et si Marat a fait erreur, je ne l'en considère pas moins comme un savant sérieux ; de même que je ne proclamerais pas moins le génie de Newton, dût-on [53] me prouver un jour que ses principes scientifiques sont victorieusement, irréfutablement combattus.
Quoi qu'il en puisse être, les dernières lignes de l'introduction des quatre mémoires méritent d'être citées comme précédent recommandable aux auteurs qui ne veulent pas en imposer au public. « Désirant propager ces vérités que j'ai découvertes, et profiter moi-même des lumières de mes lecteurs, j'invite les physiciens à répéter mes expériences, à peser les conséquences que j'en ai tirées, à me communiquer leurs observations. S'ils se trouvaient arrêtés faute de connaître la manipulation, ou de pouvoir se procurer un appareil d'instruments convenables, je me ferai un plaisir de leur donner tous les renseignements nécessaires. » Et voilà l'homme qu'on appellera charlatan !
Quelque recherche que nous ayons pu faire, nous n'avons pas trouvé d'autres ouvrages scientifiques de Marat. Au numéro 144 de l'Ami du Peuple, il écrivait encore : « Dans une visite domiciliaire faite par la police en 1790, on m'a pris une collection de 357 lettres académiques, attestant une correspondance suivie avec quelques savants et surtout avec Franklin ; une de ces lettres contenait la structure d'un helioscope (1). »
1 Voir aux notes, fin du second volume, chapitre III, n° 1.
S'il s'agissait de tout autre que d'un tel homme, les détails qui précèdent suffiraient pour prouver qu'il avait droit au titre de savant ; pour un Marat il faut plus encore : c'est pourquoi nous allons citer quelques jugements opposés sur le mérite qu'il est juste de lui reconnaître sous ce rapport. Quand il y a débat sur la valeur d'un auteur, on peut croire qu'il n'en était pas entièrement dépourvu.
L'un de ces jugements est extrait de la Biographie universelle de Michaud, appréciation d'un royaliste et par conséquent peu suspecte d'engouement à l'endroit de l'Ami du peuple. [54]
M. Beaulieu, rédacteur de l'article, s'exprime ainsi : « Si on le sépare de ses crimes révolutionnaires, on doit convenir qu'il n'était pas sans moyens naturels, ni même sans une instruction assez étendue... Ses écrits ne sont pas dépourvus de sagacité, ils annoncent des études suivies ; son style n'est pas même sans mérite. » (Article MARAT.)
M. Georges Duval, un royaliste aussi, qui a écrit quatre volumes de mémoires sur la Terreur, fait l'aveu suivant: « Je savais qu'avant de devenir démagogue effrené, Marat avait fait preuve plus d'une fois d'un esprit distingué, qu'il avait cultivé les sciences avec quelque succès... A l'époque même de la Révolution, quand il fut devenu un personnage exclusivement révolutionnaire, s'il lui arrivait de faire un moment trêve à la politique et de traiter des questions de science, sa conversation était instructive et intéressante. J'en ai entendu quelques-unes et j'y ai profité ; et, en l'écoutant, j'oubliais que c'était Marat, l'Ami du peuple, qui parlait. Je sais bien qu'en disant cela j'étonnerai quelques personnes, mais ce n'en est pas moins la vérité. »
M. le Bibliophile Jacob affirme, d'après l'opinion de MM. Nodier et Martin, que Marat fit plusieurs découvertes dignes de Newton dans la chimie et dans la physique, qu'il fut un savant profond et hardi. (Journal le Siècle, 15 août 1847.)
Enfin, au moment même où Marat écrivait, le Journal de littérature, des sciences et des arts, s'exprimait ainsi : « Si je voulais vous faire connaître en détail l'excellent ouvrage du docteur Marat, intitulé Recherches physiques sur l'électricité, je serais forcé d'en transcrire chaque article, tant il est rempli de choses nouvelles et importantes, et quoique deux extraits soient déjà beaucoup sur un seul volume, j'en ajouterai cependant un troisième. » Suit l'extrait, et le citateur finit ainsi : « Tel est l'ouvrage de M. Marat, ouvrage qui ne peut qu'ajouter beaucoup à la célebrité de ce profond physicien... Avoir porté à son point de perfection une science à peine ébauchée et en avoir rendu l'étude facile à tous les esprits, [55] c'est acquérir le droit le mieux fondé à la reconnaissance des jeunes gens qui courent la carrière des sciences. M. Marat nous fait espérer qu'il traitera un jour de l'application de de l'électricité à la médecine. Assurément personne n'est mieux en état que lui de s'acquitter dignement d'une tâche aussi difficile. Habile médecin, grand physicien, il réunit toutes les connaissances requises au succès. » (Tome II, page 244, année 1782.) Je ne puis résister au besoin de me répéter : et voilà l'homme que M. Michelet accusera de charlatanisme !
Parmi les savants qui ont écrit contre Marat, nous citerons de préférence le célèbre Lalande ; c'est la source où tous les détracteurs subséquents ont trempé leurs flèches. Dans l'Histoire des mathématiques, par Montucla, tome III, partie v, livre II, le grand académicien résume son appréciation en ces termes : « Rien de plus vague et de moins intelligible que les expériences de Marat. Personne n'est plus second en découvertes que lui. Les plus grands hommes n'en ont fait que deux ou trois ; il en a fait par centaines. »
« Un jour Marat engagea le duc de Villeroi à remettre à l'Académie de Lyon une médaille d'or de 300 livres pour un prix extraordinaire. Marat, qui probablement avait fourni l'argent, comptait remporter le prix ; l'Académie n'entra pas dans ses vues. »
Que pensez-vous du probablement, et du duc pris pour compère ? Continuons : « Marat n'était qu'une bête avant 1789, il devint une bête féroce lorsque la Révolution eut enflammé les têtes et qu'on le vit, le 24 août, dire à la tribune qu'il y avait 270,000 têtes à abattre pour conquérir la liberté. »
Ce n'est pas nous qui nous hasarderons à faire la critique du jugement d'un académicien de la force de Lalande, on nous taxerait d'incompetence, et l'on aurait bien raison ; pourtant si l'on est curieux de surprendre le secret de tant de fureur, on le trouvera dans la Biographie des Contemporains, redigée par Rabbe, ouvrage encore hostile à Marat. Voici ce qu'on y lit : « Lalande avait l'âme essentiellement monarchique ; personne ne s'abandonnait plus que lui à l'instinct des pensions ; il en recevait de toutes les cours, et, comme il n'était pas trop convaincu que les républiques fissent de ces libéralités, il s'orientait volontiers sur les cassettes des princes... Dans son ambition de paraître universel, qu'il sut ou qu'il ne sut pas, il écrivait sur tout. » (Article LALANDE.)
Mais, dira-t-on, quel rapport y avait-il entre les opinions politiques, la cupidité même de Lalande, et la critique acerbe qu'il fait de Marat considéré comme savant ? Ce n'est pas toujours par la logique de l'esprit que s'expliquent les choses humaines, mais bien plutôt par celle des passions. Or, il faut qu'on sache qu'un jour Marat s'était expliqué sur la nécessite des académies et sur celle des pensions à faire aux académiciens, d'une façon peu propre à satisfaire l'appetit de Lalande ; il avait dit : « C'est en vain qu'on allègue la nécessité de réunir en académie les savants pour le progrès des sciences ; il est démontré qu'il n'y a point de vraie réunion des lumières, qu'autant qu'elle se fait dans la même tête. Il est constant que toutes les découvertes ont été faites par des individus isolés ; les sciences ne perdraient rien à la dissolution des corps constitués pour les perfectionner ; je dis mieux, elles y gagneraient beaucoup. Aujourd'hui une académie des sciences nuirait aux progrès des lumières, en abusant du préjugé qui est toujours en faveur des corps, pour étouffer les découvertes saillantes qui lui feraient ombrage. Pourtant il est indispensable qu'on encourage les sciences, mais ces secours doivent être accordés avec discernement. Pour favoriser le développement du talent et du génie, il suffit de pouvoir les cultiver avec soin ; ainsi une pension suffisante pour se procurer une existence commode et des Instruments convenables sont les seuls secours que l'Etat doit accorder aux hommes nés avec des dispositions, et sans fortune. » (Ami du Peuple, N° 194.) [57]
Ainsi s'explique la frénésie de l'adorateur de cassettes. M. Michelet lui-même suspecte ce jugement de Lalande. Proh pudor !
Toutes les critiques, depuis celle de l'illustre académicien, sont empreintes de la même partialité. On avait à le juger sous le rapport purement scientifique, on n'a pu oublier le conventionnel ; et parce qu'on abhorrait à tort ou à raison ses principes révolutionnaires, on a cru, en conscience, ne devoir reconnaître aucun mérite au savant. Est-ce juste ? Est-ce logique ?
Quant à nous (nous pouvons l'avouer, maintenant que le lecteur sait à peu près à quoi s'en tenir sur le physicien), ce qu'il nous importait surtout, c'était de chercher si nous retrouverions, de 1775 à 1788, le Marat de la Révolution ; parce que nous croyons que les grands caractères ne s'improvisent pas : dis-moi ce que tu as été, je te dirai ce que tu seras. Toute langue peut mentir ; les antécédents d'un homme sont, sinon d'infaillibles, du moins les plus sûres garanties de son avenir ; le passé se défend par des actes, l'avenir n'a que des promesses à donner. Or, qui ne pressent déjà l'Ami du peuple dans cette conscience du savant, dans cette ténacité d'idées, dans cet appel au sens commun, dans ce peu de respect pour les autorités constituées, dans cet abandon de ses propres intérêts, dans cette vigueur qui se retrempe dans la persécution même, enfin dans cette effrénée passion de l'immortalité, ressort puissant des fortes âmes ? Qui ne croit entendre déjà le révolutionnaire dans cette parole citée plus haut: « On n'est pas fait pour être l'apôtre de la vérité, quand on n'a pas le courage d'en être le martyr ? » C'est en parlant de lui surtout que Mirabeau aurait pu s'ecrier : Cet homme ira loin, car il croit tout ce qu'il dit !
Est-il donc nécessaire d'être un génie transcendant pour être utile, pour avoir droit à quelque distinction ? C'est tout ce que demandait Marat. Mais à force de partialité, de déloyauté, de haine, la critique s'est montrée inhabile, elle [58] a rendu son propre jugement suspect ; par la bouche de Lalande elle s'est exprimée ainsi: Marat ne fut pas un Newton, donc ce fut une bête !
C'est peut-être ici le lieu de répéter une anecdote racontée en 1793, après la mort de l'Ami du peuple, dans le Journal de Prudhomme ; elle nous dispensera de relever toutes les absurdités de ce genre. « Dix ans avant 1789, Marat visitait une bibliothèque publique. « Montrez-moi, dit-il au bibliothécaire, le rayon où se trouvent les Mémoires de l'Académie des sciences de Paris. » On lui indique cette collection savante : « Dans trois ans, il faudra brûler tous ces volumes poudreux, » reprit Marat, en haussant la tête et en pirouettant. »
La date seule de ce conte en démontre l'invraisemblance. Nous avons vu par le millésime de ses ouvrages que Marat commença à les publier justement dix ans avant la Révolution. Or, entre-t-il dans l'esprit qu'un homme qui se dispose à adresser des mémoires scientifiques à l'Académie, qui aspire par conséquent à être admis dans la collection pour sa propre gloire, exprime le désir que cette fameuse collection soit brûlée, émette l'opinion qu'elle doive jamais l'être, avant de savoir si l'Académie l'accueillera ou non ?
De ce chapitre ressort une dernière reflexion. Si dès 89 Marat se Jette à corps perdu dans le mouvement révolutionnaire, ce n'est pas comme pis aller, comme dernière ressource, pour se faire une position ; le Journal de liltérature nous a certifie que, malgré l'Académie, Marat jouissait déjà, comme physicien, d'une grande réputation en 1782. Que devait-ce être sept ans plus tard ? Personne donc n'aura désormais le droit de soupçonner sa veuve de mensonge, quand elle écrira après l'assassinat du 13 juillet 93 : « On pourrait s'étonner qu'il ait pu abandonner une si brillante carrière, si l'on ne savait que l'amour de la liberté est la passion la plus impérieuse dans une âme bien née. » (Prospectus de la veuve.) [59]
Pour n'avoir plus à revenir sur ce sujet, nous dirons encore un mot sur une brochure que Marat fit paraître en 1791, et qui a trait aux académiciens. Depuis longtemps elle était écrite et abandonnée dans ses cartons, lorsque l'Assemblée nationale proposa de s'occuper du sort des sociétés littéraires. L'auteur inséra cette note dans son Journal l'Ami du Peuple : « On prévient le public qu'il paraîtra sous peu de jours un ouvrage intitulé : les Charlatans modernes, ou lettres sur le charlatanisme académique, publiées par Marat. In-8° de 40 pages. » Le lendemain, 10 septembre, on lisait : « L'Ami du peuple, ayant trouvé parmi les papiers d'un homme célèbre un manuscrit très-piquant sur les charlatans modernes, a cru devoir le livrer à la presse pour l'édification publique. »
Le sous-titre indique assez le but de la brochure écrite sous forme de lettres, au nombre de douze. C'est le développement des idées sommaires indiquées dans notre précédente citation, à propos de Lalande : plus d'Académies, elles grèvent le budget sans être utiles à la science. L'auteur y a joint quelques portraits satiriques qui ressemblent trop à des caricatures. On sent qu'il combat percé lui-même de traits sanglants ; aussi s'y defend-il de l'ongle et des dents. En lui voyant refuser le titre de savant à Lavoisier, à Monge, à La Place, à tant d'autres, on regrette que la colère le rende injuste aussi ; on voudrait plus de sang-froid ; que blessé il ne criât pas ; que justement indigné, sa parole fut calme, mesurée et digne ; je m'apercois que je voudrais enfin qu'il fut plus qu'homme, qu'il fût parfait, ni plus, ni moins. Hélas ! nous déclarons d'avance qu'il ne l'était pas. Mais est-ce bien une raison pour que nous autres, juges de ces luttes d'amour-propre froissé, ne sachions pas être impartiaux ?
Mais, dites-vous, que Marat ait fait de tel ou tel une caricature, jusque-là le mal n'est pas grand ; mais il s'en faut qu'il se soit contenté de cette vengeance. Je vous entends, et je réponds. On croit sans doute, et ses ennemis l'ont affirmé, [60] que l'Ami du peuple, écrivant en pleine révolution, attise la fureur des faubourgs contre les savants qui s'étaient montrés ses ennemis personnels, qu'il les dévoue au massacre, à l'assassinat à bout portant, ou tout au moins à la lanterne, qu'il « prépare la mort de Lavoisier, » par exemple, comme l'a prétendu M. Michelet. Nous défions qu'on trouve un mot de cela ni dans les Charlatans, ni ailleurs. Lavoisier fut décapité dix mois après l'assassinat de Marat, accusé d'avoir dilapidé »la fortune publique avec vingt-huit autres fermiers généraux, comme lui condamnés le même jour pour le même fait. Le génie donne-t-il droit à l'impunité ? Le tribunal révolutionnaire ne l'a pas cru, et c'est pourquoi il a prononcé une sentence capitale sur tous les coupables du même délit de dilapidation. Voici la teneur du jugement : « Convaincus d'être tous auteurs ou complices d'un grand complot qui a existé contre le peuple français, tendant à favoriser le succès des ennemis de la France, et notamment en mêlant au tabac de l'eau, des ingrédients nuisibles à la santé des citoyens qui en faisaient usage ; en prenant six et dix pour cent, tant pour l'intérêt de leur cautionnement que la mise des fonds nécessaires à leurs exploitations, tandis que la loi ne leur en accordait que quatre ; en retenant dans leurs mains des fonds qui devaient être versés au Trésor national ; en pillant et volant par tous les moyens possibles le peuple français et le Trésor national pour enlever à la nation des sommes immenses, et les fournir aux tyrans ligués contre la république. » (Liste générale et très-exacte des noms... de tous les conspirateurs qui ont été condamnés à la peine de mort par le tribunal révolutionnaire, N° 4, pages 29-30). Il est bon qu'on sache, et nous le prouverons plus tard, que le 19 floréal an II (8 mai 1794), époque de la condamnation de Lavoisier, sous le règne de Robespierre, il s'en fallait de beaucoup qu'on s'appuyât des dénonciations antérieures de Marat pour confirmer une sentence de mort.
Mais attendez ! à la ligne quatrième, M. Michelet accusait [61] Marat d'avoir préparé l'échafaud de Lavoisier ; cinq lignes plus loin, il ne se contentera pas de si peu : « La haine cependant grandit, cultivée par Marat ; il na pu tuer Newton, il tuera, pour se consoler, le Newton de la chimie. » (Histoire de la Révolution française, tome II, page 401.) M. Michelet n'a pas oublié son histoire, il s'est souvenu comment on avait agi naguère avec Aristophane, cet autre Marat d'Athènes. L'auteur des Nuées fut d'abord accusé, lui aussi, d'avoir préparé la mort de Socrate, et finalement d'avoir tué le père de la vraie philosophie. On sait en quels termes méprisants Voltaire maudissait le comique grec pour ce prétendu crime. Il est vrai que Socrate était mort vingt-trois ans après la représentation de la comédie où Aristophane l'avait ridiculisé ; c'est égal, la calomnie avait porté ses fruits. Calomniez, Basiles de l'histoire, il en restera toujours quelque chose ; soyez convaincus que, dans cent ans, quelque ressasseur répétera : Marat a tué Lavoisier !
Mais attendez encore ! pour justifier l'epithète de stupidité funèste accolée par le véridique historien à l'Ami du peuple, M. Michelet accuse ce dernier d'avoir prétendu que Lavoisier voulait ôter l'air à la ville de Paris, l'elouffer, en faisant élever autour dela capitale un mur d'octroi (page 400, dans la note). Si Marat avait avancé une telle bourde, il se serait montré stupide, en vérité ; mais, malheureusement pour l'honneur de M. Michelet, il n'en est rien. Rétablissons les faits.
Au numéro 353 du Journal de l'Ami du Peuple, Marat cite la lettre d'un citoyen qui s'oppose à la candidature de Lavoisier comme administrateur au département de Paris, de Lavoisier, « ancien fermier général, qui a su gagner cinquante mille livres de rente, et qui pourrait bien avoir faim encore. » Or, c'est dans cette lettre que le dénonciateur, et non pas Marat, écrit : « Lavoisier n'a d'autre titre à la reconnaissance publique que d'avoir mis Paris dans une prison, de lui avoir intercepté la circululion de l'air par une muraille qui coûte trente-trois millions au pauvre peuple. » [62]
Mais, répliquera le consciencieux critique, pourquoi Marat a-t-il imprimé la dénonciation tout entière ? Parce que, dans la lettre dénonciatrice, il y avait de très-plausibles accusations, à côte d'une très-insignifiante balourdise. Mais quand on cite avec blâme, monsieur l'historien, il n'est pas permis de tronquer ; c'est une leçon de conscience littéraire que vous auriez pu puiser dans vos lectures des oeuvres de l'Ami du peuple. [63]
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Marat, l'Ami du Peuple |
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